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La non-délivrance chez la jument

La non-délivrance, aussi appelée « rétention placentaire » est une affection grave, mais heureusement assez rare chez la jument. Elle nécessite l’intervention du vétérinaire qui procédera manuellement, si cela est possible, au retrait de l’annexe fœtale ou administrera les médicaments adéquats si l’extraction manuelle n’est pas possible. Si la jument ne délivre pas naturellement, il faut intervenir dans les 6-8 heures après le poulinage ; au-delà de ce délai, la non-délivrance devient une véritable urgence.

Le pronostic de cette affection est meilleur si elle est diagnostiquée et traitée précocement.

Qu’est-ce qu’une « non-délivrance » ?

Normalement, la délivrance (c’est-à-dire l’expulsion du placenta) se produit spontanément, dans la demi-heure ou l’heure qui suit la naissance du poulain, grâce aux dernières contractions de l’utérus. On parle de non-délivrance quand le placenta n’a pas été expulsé au bout de trois heures.

> La non-délivrance toucherait 2 à 10% des juments. Sont plus particulièrement concernées les juments de trait, les juments âgées et celles qui ont eu un poulinage difficile (dystocie, césarienne) ou déclenché.

Pourquoi c’est grave ?

La décomposition du placenta resté dans l’utérus et la production d’endotoxines qui en résulte peuvent entraîner une infection utérine (responsable d’une stérilité ultérieure et/ou une infection généralisée) et une fourbure aiguë. Ces deux affections sont potentiellement mortelles pour la jument.

> La situation peut devenir catastrophique si la jument garde une partie ou la totalité de la délivrance dans l’utérus pendant 12-24 heures, même si elle ne parait pas en souffrir immédiatement.

Que faut-il faire (ou ne pas faire) au moment de la délivrance ?

  • Si la jument expulse spontanément le placenta, il est très important de vérifier qu’il est bien sorti dans son intégralité. Pour cela, il faut le retourner et l’étaler sur le sol. En effet, lorsque le placenta est expulsé, il s’invagine, c’est-à-dire qu’il se détache d’arrière en avant, des cornes de l’utérus vers le corps de l’utérus, et présente la surface lisse qui était en contact avec le poulain. Il faut alors le retourner « comme une chaussette » pour voir apparaître la surface veloutée rouge qui était en contact avec l’utérus.

Le placenta doit être entier : un placenta complet a une forme de Y dissymétrique (ou de F !). On vérifiera en particulier que les deux extrémités des cornes (celle qui portait le fœtus et celle qui n’en portait pas) sont présentes : le site préférentiel de rétention est la corne non gravide. Il est important de regarder aussi la consistance et la couleur du placenta : un placenta normal est fin, avec un aspect de velours uniforme rouge foncé (la teinte marron qui apparaît quelques heures après la naissance est normale).

Si le placenta présente des zones épaissies ou décolorées, ou un aspect hétérogène, cela peut traduire une affection. Le vétérinaire doit être appelé immédiatement car le poulain court un risque d’infection.

> Faites attention aux chiens qui rodent, ils sont friands des placentas et peuvent l’avoir mangé avant que vous ne l’ayez trouvé !

  • Si une partie du placenta a été éliminée avec le poulain mais qu’un morceau de délivre reste suspendu à la mère, il ne faut jamais tirer dessus pour l’extraire en totalité. Le risque d’en laisser une partie à l’intérieur (un seul petit fragment de placenta resté dans l’utérus peut entraîner des complications) ou de provoquer une hémorragie mortelle chez la jument est trop important.
  • Si la jument ne délivre pas du tout ou si le placenta expulsé n’est pas entier, laissant soupçonner la présence d’un reste dans l’utérus, il ne faut jamais introduire la main dans le vagin de la jument pour essayer de décrocher soi-même le placenta. Les risques d’hémorragie ou d’introduction de germes sont très importants.

> Seul un vétérinaire peut effectuer une délivrance. Après une désinfection soignée, il introduit une main gantée dans l’utérus de la jument. Il passe les doigts entre le placenta et la paroi utérine et détache la partie du placenta qui adhère encore à l’utérus de manière très délicate et progressive. En cas de fortes adhérences du placenta à la paroi utérine ou de rétention complète du placenta (situation fréquente après un avortement), il n’insiste pas. Des lavages utérins répétés, des injections d’ocytocine et un exercice modéré de la jument seront prescrits.

Peut-on prévenir la non-délivrance ?

Il suffit souvent de prendre quelques mesures pleines de bon sens pour éviter les problèmes :

  • Préparer soigneusement la jument avant le poulinage (bander la queue, nettoyer la région vulvaire…) et préparer un box d’une propreté irréprochable pour éviter une contamination bactérienne trop importante ;
  • Surveiller attentivement le poulinage, faire attention que la jument ne piétine pas la délivrance (pour éviter que la jument ne marche sur les enveloppes placentaires et ne les déchire, on peut les nouer à la hauteur du jarret) et vérifier l’intégrité du placenta après son expulsion. Si vous avez le moindre doute, faites venir le vétérinaire 6 heures après le poulinage, il vérifiera la délivrance et administrera en outre au poulain.
    Pour stimuler les contractions utérines, il est toujours possible d’administrer à la jument un traitement homéopathique ou de l’ocytocine.

> Demander conseil à votre vétérinaire pour l’emploi de ces médicaments. Il est possible de les utiliser de façon préventive (avant le poulinage) ou curative (après le poulinage).

C’est souvent l’absence de poids qui retarde l’expulsion du placenta. Pour stimuler les contractions et faciliter le détachement, on peut enrouler la partie de délivre qui dépasse de la vulve autour d’un bouchon de paille, d’un petit sac de sable (1 à 1,5 kg) ou d’une bouteille de 1 litre remplie d’eau : cela accentue le mouvement de balancier qui décrochera spontanément le placenta.

> Il ne faut surtout pas couper un placenta qui pend à la vulve de la jument.

Après le poulinage, il est important de surveiller la température de la jument et l’aspect des écoulements vulvaires : une augmentation de la température, des écoulements malodorants sont les premiers signes de complication.

Dans l’utérus, l’embryon en développement est entouré de plusieurs enveloppes. Le placenta, aussi appelé délivre, est la membrane la plus externe, directement en contact avec la paroi utérine. Durant toute la gestation, le placenta apporte à l’embryon puis au fœtus l’eau, les nutriments et le dioxygène dont il a besoin. Il évacue aussi le dioxyde de carbone et les déchets métaboliques tels que l’urée, excrétés par l'embryon.

Le placenta de la jument est de type « épithélio-chorial diffus » : le placenta fœtal est régulièrement imbriqué dans l’endomètre maternel, sur toute sa surface, par le biais de très nombreux micro-cotylédons richement vascularisés. Ceux-ci fonctionnent comme autant de boutons-pression pour maintenir en contact le placenta et l’utérus.